vendredi 9 novembre 2012

Un sénateur comte d'Empire au Parlement de Québec

Un sénateur comte d'Empire au Parlement
Armoiries de Tracy
Assemblée nationale du Québec
Le Parlement de Québec est un véritable armorial des personnages de l'histoire du Québec. Sur la seule façade de l'Assemblée nationale du Québec nous recensons 24 armoiries. Les autres façades de l'édifice sont ornées des armoiries de six lieutenant-gouverneurs de la province.  À l'intérieur, plus de 80 armoiries ornent les lambris, les murs et des vitraux dans les aires publiques, ainsi que les salles des séances du Conseil législatif et de l'Assemblée législatives.

Parmi ces armoiries, certaines piquent la curiosité par leur facture et leur apparente incongruité dans l'armorial de notre histoire.
Alexandre de Prouville de Tracy
Le premier cas concerne les armoiries apparaissant sous le listel au nom de «Tracy».  Comme elles s'inscrivent dans le groupe de quatre gouverneurs de la Nouvelle-France, il est logique de pensé qu'il s'agit d'Alexandre de Prouville de Tracy, seigneur de Tracy-le-Val et de Tracy-le-Mont (Picardie). Il est né vers 1596 (ou 1603), probablement de Pierre de Prouville, sergent-major de la citadelle d’Amiens, et de Marie Bochart de Champigny. Il est mort à Paris en 1670. En novembre 1663, il est nommé lieutenant général de l’Amérique Méridionale et Septentrionale, avec la double mission de déloger les Hollandais des Antilles et, au Canada, de porter la guerre jusque dans les foyers des Iroquois pour les exterminer entièrement. Après une vigoureuse campagne aux Antilles, Tracy arrive à Québec le 30 juin 1664. Jusqu'à son départ le 28 août 1667, son action avec les troupes du régiment de Carignan-Salière et les milices de Ville-Marie contres les Iroquois en fait l'un des sauveurs de la colonie. Il est aussi intéressant de savoir que Tracy avait un fils, Charles-Henri, tué au siège de Landrecies en 1655, et une fille d'un premier mariage contracté avant 1630. Le 15 avril 1657, il avait épousé en secondes noces, à Saint-Eustache de Paris, Louise de Fouilleuse. (voir plus de détails dans l'article du DBC www.biographi.ca/009004-119.01-f.php?&id_nbr=534)
Armoiries de Prouville de Tracy
Gare du Palais à Québec

Une eau-forte sur papier de Jean Lenfant présente le marquis de Tracy en 1660, avec ses armoiries qui se blasonne : De sinople, à la croix engrêlée d’argent, l'écu sommé de la couronne de marquis, entouré de la devise «In hoc signo vinces». E.-Z. Massicotte et Régis Roy confirment ces armoiries dans l'Armorial du Canada-français de publié en 1915. 
Armoiries de Destutt de Tracy
Pourtant, l'écu sous le nom de Tracy se blasonne : écartelé : au 1 d'azur, chargé d'un miroir d'or où se mire un serpent d'argent ; aux 2 et 3 d'or au cœur de gueules ; au 4 palé d'or et de sable de six pièces. De toute évidence, nous sommes devant les armoiries d'une autre personne.

Ce qui pique la curiosité de ces armoiries est certainement le miroir au serpent sur champ d'azur en premier quartier. Voici un meuble caractéristique de l'héraldique napoléonienne. Sous l'Empire, les armes de la noblesse d'Empire étaient chargé d'élément codifié obligatoire selon le titre et le rang. Aussi les comtes ministres portaient : un franc-quartier ou un canton d'azur, chargé d'une tête de lion arrachée d'or, alors que le franc-quartier des comtes maires était chargé d'une muraille d'or et les comtes sénateurs portaient le miroir au serpent retrouver sur la façade du Parlement de Québec. 
Mais alors, qui est ce comte sénateur de l'Empire français de Napoléon 1er ?

Au hasard d'une recherche, je découvre dans le 2e arrondissement de Paris une rue de Tracy ouverte en 1782 sur les dépendances de l'hôtel d'Antoine Louis Claude Destutt, comte de Tracy (1754-1836). Moi qui pensait que la ville de Paris avait honoré le héros de la Nouvelle-France.
Une recherche sur ce comte de Tracy, m'apprends que il fut un philosophe et homme politique français. Issu de la famille de Stutt, famille noble originaire d’Écosse, il était le fils de Claude-Louis-Charles Destutt, marquis de Tracy, militaire de carrière mort en 1766 des suites de blessures reçues à la bataille de Minden.  Député de Moulins aux États généraux, il l'un des premiers de son ordre à se rallier au tiers état lors de la nuit du 4 août 1789.  Arrêté comme suspect, le 2 novembre 1793. il profite de ses onze mois de prison pour s'initier à la philosophie sensualiste de Locke et de Condillac, mettant au point sa propre doctrine. En 1799, il est nommé membre du Conseil d'instruction publique. Il défend la définition de l'« idéologie » comme étude de la pensée, étymologiquement «science des idées », refusant le mot « psychologie », qui fait trop explicitement référence à la notion d'âme.  Après le 18 brumaire, il est nommé l'un des trente premiers sénateurs. Au Sénat conservateur, il est le chef des « idéologues » méprisés par Napoléon Ier, qui le fait quand même comte d'Empire.  Son œuvre a une influence réelle sur les philosophes et économistes du XIXe siècle.  Louis XVIII l'appela à la Chambre des pairs en 1814.
Cette même recherche m'apprends surtout qu'à titre de comte sénateur, ses armes portaient le miroir au serpent et qu'elles correspondent en tout point à celle sur la façade du Parlement.

Mais alors, que fait ce comte d'Empire sur la façade de l'Assemblée nationale du Québec ?

Il est probable que Taché que ai présumé que ce comte d'Empire était un descendant du lieutenant général de la Nouvelle-France.

Photographie : Marc Beaudoin, armoiries : Louise Martel

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